L'AUTEUR
Yves Robert est né à La-Chaux-de-Fonds en 1964. Il travaille d'abord dans le cinéma et réalise plusieurs courts-métrages, puis se tourne vers le théâtre et se passionne pour l'éclairage. Il réalise de nombreuses lumières de spectacles et d'expositions.
Depuis 2004, il écrit régulièrement pour le théâtre. Il est membre des EAT-France (Ecrivains Associés du Théâtre).
LE TEXTE
Le travail d'écriture décline « Patronne et domestique » comme un système contenant plusieurs couches de récits.
La première est l'histoire de base, qui peut être racontée en 51 caractères, est le fil narratif qui relie les événements les uns aux autres, leurs donne une cohérence et tient le spectateur en attente d'un dénouement. Les situations sont simples et les enjeux se comprennent aisément. L'ironie et l'imprévisibilité des comportements entretiennent la « ludicité » et un renouvellement des émotions.
Une strate différente raconte l'évolution de la relation entre les deux femmes avec les enjeux de séduction et de domination. Dans cet espace, il n'est pas sûr que la personne dominée soit celle définie par le statut social, car tous jeux de manipulations contiennent leur part de perversité. Les tensions sont fluctuantes et l'avantage de la position n'est pas toujours un gage de réussite. Là se situe le traitement psychologique.
Ailleurs encore se dessine une couche historique et culturelle qui raconte la place et les droits de chacune, évoque les éléments qui déterminent la position obtenue au coeur de la société, soit sur les versants où souffle l'air tiède de l'aisance, soit sur les pentes arides de la misère.
Plus en arrière, comme une fresque marine à la Turner dont on comprend la profondeur seulement avec du recul, nous discernons la possibilité de s'interroger sur notre propre position dans le monde et sur les choix assumés ou non de nos pouvoirs, de nos conforts et de nos soumissions.
THÉMATIQUES
L'usage du pouvoir comporte indéniablement une dimension tragique.
L'habitude veut que l'on estime cette tragédie établie sur un axe vertical avec un pouvoir faisant peser le poids de ses décisions sur une base soumise, voire servile.
Mais en 1549, Étienne de la Boétie avec Le discours de la servitude volontaire ou le contr'un questionne et soulève une approche transversale qui place les maîtres et le peuple dans un espace de confrontation ou de compromission horizontale. Le peuple qui ignore ou fait mine d'ignorer sa force en vivant durablement sous le joug d'un tyran ne devient-il pas un « complice » consentant ?
La clef des responsabilités dans le déroulement de la tragédie du pouvoir se trouve ainsi partagée entre les protagonistes. La vision manichéenne qui permettait de séparer le monde dans les catégories simples du dominant et du dominé, du blanc et du noir, du bon et du méchant, du maître et de l'esclave se teinte de gris et de brouillard. Dès que les vérités prennent des contours flous et qu'il n'y a pas d'explication facile, alors commence le temps du malaise.
Cela pourrait être le sous-titre de notre spectacle : le temps du malaise.
La peinture de Félix Vallotton réalisée en 1913 et intitulée « La blanche et la noire » contient en elle les germes d'un malaise.
D'abord par la nudité et le sexe clairement exposés d'une femme blanche étendue et portant de la rougeur (honte ?) sur le visage. Tout cela mis en perspective par le regard (dédaigneux ?) d'une femme africaine assise au premier plan cigarette au bec.
C'est à partir de ce malaise ressenti à propos de la peinture de Vallotton ainsi que le questionnement sur les rapports de pouvoir et de soumission que nous établirons la construction de notre spectacle.