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La nuit finira-t-elle un jour ?
par la Compagnie La Tête dans le Sac - marionnettes (CH/F)
LES 16, 17 ET 18 OCTOBRE 2014 | jeudi à 19h, vendredi à 20h30 et samedi à 19h
Distribution
conception, marionnettistes : Cécile Chevalier et Franck Fedele
création des marionnettes : Cécile Chevalier avec la collaboration de Franck Fedele
écriture : Cécile Chevalier et Franck Fedele avec la collaboration d'Adeline Rosenstein
création musicale : Géraldine Schenkel et Fred Commenchal
création lumière : Flore Marvaud
aide à la mise en scène : Laurent Frattale, Cordélia Loup et Colette Pouliquen
régie générale : Flore Marvaud ou Denis Rollet
production : Cie La Tête dans le Sac - marionnettes
réalisé grâce à l'accueil en résidence par : Cie Gérard Gérard & Le Théâtre des Hautes Rives (Rivesaltes, F), Kjibi (Bruxelles, B), Lattitude 50 (Marchin, B), Festival de la marionnette de Grenoble (F), Mottatom (Genève, CH), Le Vélodrome (Genève, CH).
avec le soutien du Département Culturel de la Ville de Genève et de la Loterie Romande pour sa création au théâtre T50, Genève, du 18 au 29 avril 2012 et certaines tournées.
Le spectacle
La nuit finira-t-elle un jour est une visite des bas-fonds égéens des années 20, au moment du démantèlement de l'Empire ottoman, lors des premiers déplacements de populations modernes, sous forme de fresque historique fragmentée et poétique. Une tentative d'exposition des "jeux de pouvoir" finissant toujours par atteindre de manière irrévocable la vie "des plus petits", ceux qui ont moins, voire rien.
On y rencontre une communauté de marionnettes aux personnalités fortes, grotesques, énervantes, dégueulasses, drôles, émouvantes avec, comme ligne de fond omniprésente, le rèbètiko, musique clandestine et "underground" grecque et turque surgie de ce mélange culturel entre orient et occident.
Accompagnées par deux musiciens (piano préparé, oud, bouzouki, baglamas, tsouras ainsi que bandonéon...), ces marionnettes nous parlent, dans un langage qui leur est propre, de notre joli pauvre vieux monde : elles en sont troublantes de sincérité et de vie. À croire que ce sont des marionnettes ayant leur propre existence, au-delà de la manipulation de leurs "créateurs"…
Ils s'appellent Cécile Chevalier et Franck Fedele et sont bien décidés à rompre avec l'idée que la marionnette serait un genre destiné au seul jeune public. Ados et adultes : foncez-y ! Quant aux enfants dès 8 ans, sachez que la compagnie leur ouvre volontiers les portes d'un univers aussi riche d'histoire que d'humanité. A la fois marionnettistes, constructeurs, metteurs en scène et comédiens, les deux complices avancent dans un registre peu exploité, au service d'une relecture et d'une réécriture de formes traditionnelles et populaires. C'est dans la Grèce et la Turquie du début du XXe siècle qu'ils nous entraînent ici, pour revisiter l'histoire d'une musique censurée sous la dictature de Metaxas : le rebétiko. Poignant et salutaire.
L'écriture et le texte
L'ÉCRITURE
Le travail d'écriture accompagne toutes les étapes de la création.
Nous commençons par un travail de recherche de textes et documents, que nous nous approprions en les expérimentant dans un travail de plateau.
Le travail scénique et celui d'écriture sont complémentaires.
Au fil de la création, nous adaptons et réécrivons. Nous composons le texte théâtral en mettant en forme nos références.
Le travail de réécriture et de composition dramaturgique s'est effectué avec la collaboration d'Adeline Rosenstein, dramaturge, spécialiste du Moyen-Orient.
Le texte est original et documenté.
LE TEXTE
Depuis notre première création, nous explorons avec insistance certains thèmes : l'errance, la marginalisation, avec un intérêt particulier pour les univers urbains du début du XXème siècle, aux balbutiements de l'ère industrielle. Durant cette période, apparaissent en marge du système, de nouvelles couches sociales, constituant ce qu'on appellera plus tard le "sous-prolétariat".
Au fil de nos explorations urbaines, nous avons découvert une musique, le Rèbètiko, et avec lui toute une page de l'histoire des frontières entre orient et occident.
Ces chants, aux sonorités orientales, chants urbains grecs et turcs des années 20, nous ont tout de suite captivés, nous apparaissant à la fois comme un emblème du mélange de ces cultures et comme l'expression d'une minorité en marge du système.
EXTRAIT DU TEXTE
Prologue
« Rèbètiko, c'est le nom de cette musique.
L'histoire pour nous a commencé avec cette musique. Elle nous a fait tourné la tête, elle nous a fait boire la tasse. La musique elle vient d'Orient, parce qu'avant la grèce c'était dans l'Empire Ottoman, c'était grand, c'était mélangé. Et puis il y a eu la guerre, la première, la mondiale. Et l'Empire Ottoman qui s'écroule. Puis les années vingt, le partage des terres et les gens au milieu qui essaient de s'échapper. Alors il y a eu ce qu'on appelle un déplacement de populations. Un millions cinq cent mille personnes dans un sens et huit cent mille personnes dans l'autre. Sur des bateaux.
C'est pour ca qu'on dit qu'elle est née dans les ports cette musique, avec le mal de mer. Le mal de mer, moi, ca me donne envie d'écrire une poésie, alors je vais profiter de ce moment pour écrire un poème. » [...]
La compagnie Tête dans le sac
« Tête dans le sac - marionnettes » possède une méthode de création originale. Cécile Chevalier & Franck Fedele confectionnent les marionnettes. Ils sont à la fois marionnettistes, constructeurs, scénaristes et metteurs en scène, mais ils ne sont pas seuls : d'abord et avant tout, ils donnent vie à des personnages qui participent pleinement à la direction artistique, influencent les choix. Depuis 2005, une quarantaine de marionnettes cohabitent et collaborent aux projets de « Tête dans le sac-marionnettes ». Elles sont la pierre de souche de toute création. Avant d'avoir un rôle à jouer, les marionnettes sont des « caractères ». Elles partagent la vie de tous les jours avec leurs créateurs, et se proposent à tout bout de champ de donner leur avis sur tout. Quand un spectacle se dessine, ces comédiens miniatures auditionnent. Certains sont recalés, d'autres refusent le rôle prévu pour eux, ou exigent de nouvelles scènes, et donnent leurs conseils à propos de la scénographie. Les marionnettes sont au coeur même de la vie du spectacle, et cela se sent : l'unité visuelle et la justesse des personnages sont remarquables.
Depuis leur première création, « Tête dans le sac - marionnettes » explorent avec insistance les chemins de traverse qu'empruntent ceux, les plus petits d'entre nous, qui sont souvent, et bien malgré eux, en prise avec les pouvoirs établis.
L' intérêt de la compagnie s'est porté sur les univers urbains du début du XXe siècle, aux balbutiements de l'ère industrielle. Durant cette période, apparaissent en marge du système, de nouvelles couches sociales, constituant ce qu'on appelle le « sous-prolétariat ».
Dans les spectacles de la compagnie, des personnages issus de ces milieux prennent vie et font partager leur condition. Loin de tout misérabilisme, c'est la force d'imagination de ces petits peuples pour vivre leurs vies qui nous est retransmise par cette famille de marionnettes dite des bas-fonds.
Présentation vidéo
À la question "Peux-tu nous fournir une petite vidéo de présentation, faite à l'arrache, qui évoque les enjeux du spectacle et l'art de la marionnette, plus particulièrement pour adultes ?", Franck Fedele nous a donné l'excellente réponse suivante : "Disons que si les enjeux c'est de garder ses dents et réussir à détendre sa mâchoire malgré les vicissitudes de ce monde, cela doit donner un discours-vidéo du genre... :
Bande annonce du spectacle par Alexandre Moisescot
Critique du spectacle par Mathieu Braunstein
1922. Un million et demi de Grecs chassés d'Asie mineure par Kemal Atatürk prennent la mer sans espoir de retour. Huit cent mille Turcs les croisent dans l'autre sens. Une petite tragédie à l'échelle d'un siècle qui en comptera des centaines d'autres. Un traumatisme pour un peuple privé de ses racines orientales, qui ne cessera de chanter l'arrachement sur un mode forcément qualifié de « mauvais genre » : le rèbètiko.
Cette musique d'exil, née dans les ports, les cales et les bordels, a frayé sa route jusqu'au groupe Tête dans le sac.
Deux musiciens genevois (au baglama/bouzouki et au piano/accordéon) et deux marionnettistes. Leur sens de l'appropriation, leur goût de la dissonance, et les correspondances que ces jeunes artistes établissent avec notre époque de crise font chaud au coeur. [...] Comme au concert, les morceaux s'enchaînent, autorisant les ruptures de temps, d'échelles et de styles. Limitée à deux dimensions au départ, la construction devient de plus en plus protéiforme, tout en restant dans le cadre strict du castelet, et donc du théâtre de marionnettes. Alors que le récit apparaît linéaire au départ, avec sa narratrice et ses scènes de genre, au sixième ou septième tableau, l'impressario « ninja » (une insupportable marionnette à gaine), puis le soldat de toutes les guerres (une vieille pelure) se mettent à « faire théâtre ». C'est le ressort de ce cabaret politique, impeccablement joué, manipulé et mis en musique : la possibilité de faire théâtre, de lorgner à tout instant du côté du drame, de la comédie, de l'absurde ou du fantastique.
La belle de nuit emmurée dans son claque peut dès lors déplier ses superbes jambes, le « camarade aux longues oreilles » révéler sa nature animale. Et l'actualité la plus contemporaine s'inviter à la fête, avec un morceau de bastingage ramassé sur une plage de Sicile en 2011, écho des tragédies de Lampedusa ou d'ailleurs. Le récit gigogne et l'écriture modale du rèbètiko autorisent tous les cours d'histoire, tous les télescopages. Et accessoirement toutes les techniques de manipulation. A l'ombre du castelet bricolé avec un morceau de frise antique, les marionnettistes invisibles ont recours à la tige, surtout. A la gaine, pour les personnages de la mort et de l'impressario virevoltant entre les époques. A une muppet géante, pour le jeune chômeur de 2013, inconfortablement casé dans le castelet et dans le temps de son arrière-grand-père. Mais pas au karagöz, ce théâtre d'ombres indissociable du réveil national grec, forcément convoqué pour toute évocation de la lutte contre le Turc. Pas de karagöz si ce n'est en filigrane, pour le nom d'un personnage. Une filiation subtile. Pas une ombre au tableau.
Par Mathieu Braunstein, Journaliste, Auteur
Presse, documents et liens
Durée, prix et réservation
Environ 70 minutes.
Pour public adulte (dès 14 ans, dès 8 ans si accompagné).
Plein tarif : 30.-
Tarif réduit : 20.-
Enfants (jusqu'à 10 ans) : 10.-
Titulaires du passe 20 ans 100 francs Valais : gratuit !
027 321 23 41
reservation@petitheatre.ch
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