Georges Perec est né en 1936 à Paris, de parents juifs polonais émigrés en France vers la fin des années 1920. Son père, engagé volontaire, est mortellement blessé en juin 1940 ; sa mère est arrêtée en janvier 1943, internée à Drancy puis déportée à Auschwitz, d'où elle ne reviendra pas. Le jeune orphelin est élevé par sa tante paternelle et son mari. Après sa scolarité au lycée Claude Bernard et des études d'histoire et de sociologie à Etampes, il forme très vite le projet de devenir écrivain. Dès lors, Georges Perec ne cessera d'écrire et de publier, couvrant à peu près tous les genres avec une œuvre multiforme. Par ailleurs, certaines de ses œuvres ont été adaptées pour le théâtre dont principalement : Je me souviens, créée et jouée par Samy Frey au Festival d'Avignon en 1988. Il meurt prématurément le 3 mars 1982 en laissant un roman inachevé, 53 jours.
« Interroger l'habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas, il ne semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y penser, comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s'il n'était porteur d'aucune information. Ce n'est même plus du conditionnement, c'est de l'anesthésie. Nous dormons notre vie d'un sommeil sans rêves. Mais où est-elle, notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ?
Ce qui s'agit d'interroger, c'est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes. Interroger ce qui semble avoir cessé à jamais de nous étonner. Nous vivons, certes, nous respirons, certes ; nous marchons, nous ouvrons des portes, nous descendons les escaliers, nous nous asseyons à une table pour manger, nous nous couchons dans un lit pour dormir. Comment ? Où ? Quand ? Pourquoi ?
( ) Il m'importe peu que ces questions soient, ici, fragmentaires, à peine indicatives d'une méthode, tout au plus d'un projet. Il m'importe beaucoup qu'elles semblent triviales et futiles : c'est précisément ce qui les rend tout aussi, sinon plus, essentielles que tant d'autres au travers desquelles nous avons vainement tenté de capter notre vérité. »
Extrait de L'Infra-ordinaire, Georges Perec