La vie rêvée d'un homme
extraits d'une critique du Temps (8 avril 2009)
Dans les aéroports, il n’y a pas que des voyageurs qui attendent leur départ avec excitation et anxiété.
Il y a aussi des individus sans amarres, dérivant en quête d’une femme à aimer ou d’un homme à qui pirater une identité.
C’est ainsi mon amour que j’appris ma blessure, monologue de Fabrice Melquiot qui prête une parole à l’un de ces faussaires
qui se fixe sur deux passagers et leur invente une vie à deux, une éternelle amitié…
Et Mathieu Bessero, jeune metteur en scène valaisan, lui donne un visage.
Porté par le comédien Vincent Rime, dont le jeu renforce l’humanité de cet être qui reste à quai.
«En te voyant j’ai pensé à une pie parce que tu me volais ces petits bouts de chair et tu transformais les regrets à venir en secondes dorées.
Tu as nettoyé mon squelette en une seconde.» A la fois imagée et directe, la langue du Français Fabrice Melquiot
voyage en solitaire souvent, dans des monologues inventifs, faussement naïfs, poignants.
Ici, un fantôme d’aéroport.
Qui, le samedi, erre dans le terminal de Madrid, après avoir hanté, le reste de la semaine, les places et les parcs publics de la capitale espagnole.
Barajas, le samedi, Le Retiro le dimanche, le lundi à Chuecas, etc. Un rituel bien rodé pour un rôdeur au grand cœur.
Car tous ses élans sont bienveillants. A l’aéroport, une fille à frange «qui fait pousser les hommes et les loups dans les garçons»
s’assied sur le banc sans le faire grincer, et l’âme de ce voyageur immobile chavire.
Cet individu perdu, on le reconnaît sans le connaître. Il flotte en chacun de nous, entre un terminal de pacotille et un avion en papier.
Marie-Pierre GENECAND